Management des Millennials : les leçons de Didier Deschamps

Au Mondial 2018, le sélectionneur des Bleus a fait triompher une équipe de jeunes footballeurs. Une performance riche en enseignements pour les managers soucieux de tirer le meilleur des Millennials.

Didier Deschamps, bien plus qu'un sélectionneur, un excellent manager. Le coach des Bleus  a remporté le Mondial 2018 de football avec l'équipe la plus jeune de l'épreuve depuis le Brésil de Pelé, en 1958. Pour faire triompher ses Millennials, Didier Deschamps a tiré plusieurs ficelles.

Il leur a d'abord fait confiance. C'est sûrement l'élément le plus important. Alors que les Bleus de 1998 étaient à l'acmé de leur carrière, Didier Deschamps n'a pas composé son groupe en fonction de l'expérience ou du palmarès. Il a fait confiance aux meilleurs. Comme un hommage à Michel Platini qui lui avait donné sa chance un soir de 1989 contre la Yougoslavie, à tout juste vingt ans.

Comment prévoir la présence de Lucas Hernandez et de Benjamin Pavard, inconnus du grand public avant le tournoi, comme latéraux titulaires à 22 ans ? Comment donner les clés de sa défense à deux joueurs de 24 et 25 ans - Samuel Umtiti et Raphaël Varane - qui évoluent certes dans de grands clubs, mais encore si jeunes pour affronter la pression des cimes ? Et que dire de Kylian Mbappé, 19 ans, qui a débuté titulaire six fois sur sept ?

Gestion des âges et parler vrai

Didier Deschamps y a associé aussi des joueurs d'expérience. L'homme aux 103 sélections le sait : la Coupe du monde nécessite aussi du recul et du vécu. Difficile pour les Millennials de s'imposer seuls. La gestion des âges a aussi été la grande réussite du sélectionneur qui sait que « les équilibres humains sont tellement fragiles ». La recette ? De l'expérience dans chaque ligne avec Hugo Lloris dans les buts, Adil Rami en défense (même sur le banc, il a joué un rôle important), Blaise Matuidi au milieu et Olivier Giroud devant.

Didier Deschamps sait également s'adresser à cette génération à qui il faut parler vrai. Les précautions oratoires sont réservées aux journalistes. Face à eux, il a toujours veillé à protéger son groupe, même après des matches de poule laborieux. En interne son « feedback » et ses décisions ont toujours été très clairs. Kylian Mbappé défend insuffisamment contre l'Australie ou se permet une provocation inutile contre l'Uruguay en quart de finale ? Il lui reproche très directement. Il juge les prestations d'Ousmane Dembelé insuffisantes ? Il le sort de l'équipe.

Responsabilisation et exemplarité


Il les responsabilise, aussi. Faire entrer Corentin Tolisso à la place de Blaise Matuidi et Nabil Fekir à la place d'Olivier Giroud en finale du Mondial alors que la pression croate est à son maximum, c'est remplacer deux grognards par deux jeunes en plein apprentissage du très haut niveau. A ce moment-là du match, Didier Deschamps ne place pas l'expérience comme critère numéro un, il réfléchit plutôt en termes de compétences et d'équilibre. Plus d'impact avec Corentin Tolisso alors que le milieu croate commençait à retrouver des couleurs, plus de technique pour mettre le pied sur le ballon et gagner du temps avec Nabil Fekir. Que des choix judicieux !

Enfin, Didier Deschamps leur donne un cap et travaille par exemplarité. Les jeunes le respectent. « On croit en lui, on a confiance en lui, on joue pour lui », résume Antoine Griezmann. En soi, le sélectionneur est un message. Il incarne « la gagne ». A quelques secondes du coup de sifflet final de l'Euro 2000, les Bleus sont menés au score et les Italiens commencent à faire la fête sur le banc de touche. Didier Deschamps était le seul à y croire, encore et toujours. La France s'est finalement imposée 2-1.

Lors du Mondial 2018, le sélectionneur français n'avait qu'un message, clair, simple et terriblement contagieux : « Ne rien lâcher, je leur ai dit et redis... ». Et comme ses Millennials, lui aussi apprend des événements. Pas de discours dramatisant l'importance de la finale comme à l'Euro 2016,  perdue face au Portugal. « J'ai fait simple », confie-t-il. Un manager qui se trompe et qui le dit, ça aussi, les jeunes apprécient !

Olivier Wierzba est directeur associé senior au Boston Consulting Group. Laurent Acharian est directeur marketing du Boston Consulting Group.

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