6 tableaux à ne pas louper durant sa visite de l'expo Basquiat à la Fondation Louis Vuitton

Mercredi 3 octobre s'est ouverte à la Fondation Louis Vuitton une grande exposition sur Jean-Michel Basquiat. On vous présente 6 tableaux et autant de bonnes raisons d'aller jusque dans le 16ième pour aller la voir

Cette semaine, la Fondation Louis Vuitton a ouvert les portes de son exposition magistrale sur Jean-Michel Basquiat, le peintre afro-américain décédé tragiquement d'une overdose en août 1988. Si Basquiat continue à marquer les esprits, c'est parce que c'est l'un des premiers artistes noir à atteindre le niveau d'artiste mainstream, autrement dit, connut de tous. Source d'inspiration de nombreux artistes, de ses contemporains à ceux d'aujourd'hui, il a marqué les années 80 de son nom.

Son époque, c'est celle du New-York des années 80, où il a croisé Debbie Harry, David Bowie mais surtout Andy Warhol, figure de proue du Pop Art qui l'a introduit au milieu de l'art. Un melting-pot festif où les industries de l'art, de la mode, le monde de la nuit et celui de la musique se sont mêlés en un joyeux bazar, dissipant les frontières fictives propres à chaque pratique. C'est l'époque du sample, chacun puise dans des ressources qui ne viennent pas forcément de son milieu.



Il est intéressant de voir une exposition sur Basquiat se tenir à l'heure où les discussions autour du racisme et de son systémisme font rage en France comme ailleurs. "Par la peinture, le collage, le dessin, avec des images et des mots, Basquiat s'approprie avec rage des enjeux sociaux et économiques cruciaux. Ce faisant, il cherche à donner au corps noir une visibilité physique, politique et symbolique, en se confrontant au racisme persistant, à la violence, à l'exploitation et à la société de consommation", peut-on lire dans le communiqué de presse sur l'exposition.

C'est d'ailleurs sans doute ce qui fait de Basquiat un artiste si apprécié. Sous son apparence "naïve", c'est tout le tumulte que ressent un homme noir vivant dans une société majoritairement blanche qui nous est dévoilé. Les doutes, les peurs, les connaissances et victoires de l'artiste sont ainsi exposés, nous regardent droit dans les yeux.

L'exposition se tenant sur la totalité des étages de la Fondation Vuitton, nous avons sélectionné 6 tableaux qu'il serait dommage de louper lors de votre visite.

1-Les Vanités (1981, 1982, 1983)

C'est sur elles que s'ouvre l'exposition sur Jean-Michel Basquiat. Trois têtes monumentales, réunies pour la première fois dans une exposition, qui dévoilent directement à quoi s'attendre lorsqu'il s'agit du peintre. Nous savons que suite à un accident de voiture à l'âge de 7 ans, il doit rester aliter plusieurs semaine. Sa mère lui offre alors Gray's Anatomy, bible de la médecine américaine qui montre et étudie les différentes parties du corps humain. De cette période, Basquiat garde une obsession pour les têtes dont il réalise au moins cinq tableaux. Mais la signification des tableaux n'est pas connue, fidèle à la manie du peintre noir-américain de ne jamais expliquer ses œuvres. Alors, s'agit-il d'un autoportrait ? D'une réflexion sur la place de la figure noire ?



2-Irony of a Negro Policeman (1981)

Ce tableau est à lire dans son sens littéral : "l'ironie du policier noir". Par ce titre, Jean-Michel Basquiat interroge la possibilité pour un noir d'être policier alors que la police ne vient pas en aide aux communautés noires, qu'elle les contrôlent voire les déciment. C'est cette complicité de certains noirs envers les institutions racistes de l'ère post-Jim Crow que critique l'artiste. Pour lui, l'ironie vient du fait que le policier noir entend faire respecter des règles conçues par une société blanche pour asservir les noirs. Peau noire, masque blanc aurait dit le psychiatre et essayiste martiniquais Frantz Fanon. Le tableau, même si achevé en 1981, continue à avoir une forte résonance à l'heure où le racisme systémique des institution juridiques et policières est remis en question aux États-Unis comme en Europe.

3-Untitled (Boxer) (1982)

Basquiat a peint de nombreux boxers de Sugar Ray Robinson à Cassius Clay a.k.a Mohammed Ali. Cet intérêt pour la boxe, le peintre noir américain n'était pas le seul de sa communauté à l'éprouver. La boxe a été le seul sport et donc le seul moment où un homme noir pouvait affronter un homme blanc sur un pied d'égalité. Seul jeu où ce qui comptait, c'était la capacité à prendre et rendre les coups, autrement dit, seul moment où il était possible pour un noir de se défendre. En 2008, le tableau est vendu chez Christies - la maison de ventes aux enchères - à 13,5 millions de dollars. On lit alors : "Les bras levés du boxeur dans cette peinture invoquent non seulement l'attitude victorieuse du vainqueur d'un match de boxe, mais aussi un doublement du poing levé du salut Black Power. Bien que ses bras soient levés victorieux, le boxeur de Basquiat semble également marqué par la vulnérabilité de son corps monolithique transpercé dans des zones qui exposent une grille squelettique abstraite, tandis que son visage en forme de masque suggère un spectre de mort ressemblant à un crâne. En fait, les bras étendus évoquent également la pose du Christ sur la croix, tandis que le halo pourrait se transformer en couronne d'épines. À la fois vainqueur et victime, le boxeur qui domine le cadre de la peinture monumentale de Basquiat est une figure complexe en conflit."

4-Grillo (1984)

En Afrique, le Griot est une figure quasi-mythique dont le rôle est de transmettre le savoir. C'est par lui (ou elle), que l'information circule, que les traditions et la transmission des récits familiaux s'ancrent à travers une communauté. Jean-Michel Basquiat a été fortement attiré par cette figure majeure durant l'hiver 1983 à 1984 et en fait d'ailleurs le sujet de plusieurs œuvres dont Gold Griot (1984), également exposé à la Fondation. En réinterprétant cette image, Basquiat devient un Griot, utilisant la peinture pour langage, il transmet l'histoire noire, l'immortalise et lui fait accéder au rang des mythes et des références religieuses et culturelles occidentales.

5-Dos Cabezas (1982)

S'il y a une relation entre deux artistes qui continue de fasciner, aujourd'hui encore le monde l'art, c'est bien celle d'Andy Warhol et de Jean-Michel Basquiat. Le premier, Warhol est le chantre des nuits underground new-yorkaises. Basquiat, le second, est la figure de proue d'une nouvelle mouvance artistique dont l'art impose la figure et la culture noire comme sujet légitime. Les deux hommes se connaissent d'ailleurs très bien et éprouvent une fascination mutuelle. Entre 1982 et 1985, ils affirment cette fascination à travers une série d'œuvres conçues à quatre mains. La salle qui renferme ces productions est introduite par Dos Cabezas, double portrait réalisé par Basquiat après avoir rencontré Warhol.

6- Riding with Death (1988)

Cette ouvre fait partie des dernières qui ont été réalisées par Jean-Michel Basquiat. Présentée pour la première fois à Paris, les critiques voient en elle des références à des peintres qu'admiraient Basquiat à l'instart de Léonard de Vinci, Albrecht Dürer ou encore Rembrandt. Basquiat l'a réalisée peu de temps après avoir appris la mort d'Andy Warhol, son mentor, celui qui l'avait initié à la scène artistique new-yorkaise. Nombreux sont ceux à voir dans Riding with Death une peinture presque prémonitoire, symbole de la vie décousue de Basquiat et la manière dont celle-ci s'est achevée.