« Ne montre pas tes émotions sois fort ! » est une injonction parentale classique largement répandue dans nos pays industrialisés.
Sauf que l’émotion, nous en avons besoin en permanence ; c’est elle qui nous permet de fuir lorsqu’un danger se présente, c’est elle qui nous met en joie lorsque l’on reçoit une promotion… En latin, émotion vient de ex-movere, ce qui veut dire littéralement bouger en dehors. Elle nous met en mouvement et en relation. D’ailleurs, il est intéressant d’observer que le Forum Economique Mondial a évoqué cela. Les prévisions montrent que d’ici 2020 le top 10 des compétences demandées par les organisations sera de « se coordonner avec les autres, manager les personnes… et l’intelligence émotionnelle ». Mais qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle, et surtout comment l’utiliser en entreprise ?
L’Intelligence Emotionnelle, que se cache-t-il derrière ces deux mots ?
Loin des fonctionnements logico-mathématiques, l’Intelligence Emotionnelle est avant tout la capacité de comprendre ses propres émotions et celles des autres. C’est aussi la possibilité de gérer ses émotions et de les utiliser pour soi et pour les autres. Finalement, l’Intelligence Emotionnelle est la recherche du comportement ad-hoc face à une situation donnée. C’est détecter chez l’autre la facilité à se mettre sur la même fréquence qu’autrui pour rendre intelligible une situation parfois complexe. Par là-même, il faut comprendre qu’être intelligent émotionnellement c’est aussi être une personne douée d’adaptabilité.
Un rappel sémantique qui a son importance. Emotion ne veut pas dire affection, ni même sentiment ou humeur. Il ne faut pas mélanger ces termes qui n’ont pas la même acception. Donc, lorsque l’on parle d’émotion de quoi parle-t-on ? Paul Ekman psychologue américain qui travaille en étroite coopération avec le FBI et est conseiller scientifique pour la série tv Lie to Me, nous donne des clefs de compréhension. Pour cela, il a classé les émotions dites « premières » de manière très claire. Il y a : la peur, la joie, la tristesse, la surprise, le dégout, la colère. Alors que faire de tout cela en entreprise ? Ce qui est intéressant dans ses travaux, c’est la relation qu’il a faite avec les expressions du visage. On s’aperçoit qu’à chaque émotion correspond une expression qui permet de détecter avec plus ou moins d’exactitude dans quel « état » se trouve autrui. Très utile en entreprise pour repérer (avec un peu d’entrainement) ce qui se joue sur le plan de la communication non-verbale.
En fonction des époques, l’émotion n’est pas comprise de la même façon. Cependant, les travaux de Charles Darwin ont mis en lumière le fait que l’émotion est vitale et qu’elle donne des informations précieuses sur les relations humaines. On essaie de mesurer, d’évaluer, de chiffrer… l’intelligence. Les années 70 ont développé le Quotient Intellectuel avec pléthore de tests en tout genre pour infirmer ou confirmer un profil. Puis, dans les années 90, les organisations ont utilisé les tests dérivés de Binet en passant plus récemment par le WAIS-IV pour évaluer le niveau d’intelligence des futurs collaborateurs. Ensuite, leur ont succédé les tests de personnalité type SOSIE ou PAPI qui donnent plus d’humanité au recrutement. Dépassés, ces « examens » ont laissé place au QE. La notion de Quotient Emotionnel a été utilisé pour la première fois il y a une vingtaine d’années par Reuven Bar-On. Plus proche de nous, Daniel Goleman (psychologue américain et journaliste au NY Times NDLR) écrit Emotional Intelligence (1995 NDLR) où il traite de l’importance de développer sa capacité à mettre en mots ses émotions. Ces travaux et ses écrits (best-seller) ont permis d’installer cette pensée dans le domaine des RH et dans le milieu de l’entreprise. Dans la même dynamique, Mayer, Saovey et Caruso ont crée le test MSCEIT pour comprendre la personnalité de chacun autour de 4 compétences clefs : identifier, comprendre, utiliser et réguler les émotions. Aujourd’hui, le QE semble être le « Graal » de toute entreprise se voulant tournée vers l’humain.
L’intelligence Emotionnelle au service du Management…
En tant que Manager, il est essentiel de pouvoir accueillir et mettre en mots les émotions. Ce qui va permettre de mieux appréhender les déclencheurs responsables de telle ou telle émotion. Ainsi, il pourra évaluer les manifestations (corporelles la plupart du temps) de ces dernières. Par exemple, la gorge serrée exprimant la peur lors d’une prise de parole en public, ou encore le fait de claquer une porte de bureau exprimant la colère. L’essentiel ici est d’arriver à communiquer son vécu émotionnel, répondant à la question : qu’est-ce que je ressens ? Ou tourné vers l’autre : comment tu te sens ? que ressens-tu ?
D’autre part, le Manager doit être habile à comprendre l’émotion et arriver à la contextualiser, prenant en compte le fait qu’elle évolue dans le temps. A la manière d’une vague, l’intensité de l’émotion peut varier. Ce dont on est assuré en revanche, c’est qu’une fois arrivée cette vague disparait. Rien n’est figé !
Dans le process, une fois que l’on a compris ses émotions il va falloir les utiliser. Elles doivent devenir un ami pour performer. Par exemple, la joie générée par la rencontre d’un nouveau potentiel gros contrat doit mettre la personne en vigilance en développant sa créativité. Et puis, il est essentiel d’être attentif au vécu de la journée. Si la matinée a été émaillée de difficultés impactantes émotionnellement, il est peut-être judicieux (si cela est possible) d’aménager l’emploi du temps de l’après-midi. Ceci permettant de garder son sang-froid et sa clairvoyance.
On peut aussi envisager de modifier son état par rapport aux émotions vécues. Il est possible d’influencer le rapport aux émotions : la peur d’être submergé(e) par un calendrier trop dense ? Faites une « to do list ». Cela parait simpliste, et pourtant les conséquences peuvent être positives, permettant ainsi de prioriser son agenda. De la même manière, il est possible d’être attentif à ses propres réactions. Le Manager doit donc être son propre garde-fou en identifiant les scénarios répétitifs. À tout moment, on peut prendre le contrôle et ce, même lorsque l’on semble être pris dans une « tempête » émotionnelle.
Par conséquent, il est utile de pratiquer le lâcher-prise et s’installer dans l’ici et maintenant. Ceci va permettre de sérier le potentiel émotionnel de l’équipe en cas de grands bouleversements, et d’intégrer l’ensemble des enjeux pas toujours forcément verbalisés. Pour cela, la confiance est un des éléments clefs de ce type d’approche managériale. De plus, l’assertivité et la tenue de la posture de Manager doivent être impeccables afin d’être le mieux comprises par ses équipes et de mieux gérer, voire de désamorcer, les conflits. Le Manager doit travailler sur l’exactitude des mots utilisés afin d’exprimer au mieux ses besoins et ses attentes. Si le Manager doit faire un feed-back négatif à un collaborateur, le faire sans jugement simplement en restant factuel et en exprimant ses attentes pour la prochaine fois.
Dernier point : prenez soin de vous, déconnectez et célébrez avec vos équipes de temps en temps ! RES-PI-REZ, RA-LEN-TI-SSEZ… Et surtout parlez… Mettez des mots sur vos maux auprès d’un collègue ou de votre n+1, cela permet aussi de prendre du recul.
L’Intelligence Emotionnelle, une vision commune !
Il est évident que l’entreprise doit elle aussi s’inscrire dans l’acceptation des émotions. En effet, cette volonté doit être portée par tous. L’Intelligence Emotionnelle en entreprise se traduit en mettant l’humain au centre de la réflexion. Il est demandé aux Managers d’être positif, devenant ainsi un levier motivationnel fort pour l’équipe. Ce qui se traduit par une vraie énergie émotionnelle au service de la mise en œuvre de la stratégie choisie par le décideur.
L’idée est de rester à l’écoute et ouvert aux idées différentes. D’avoir la capacité de revoir ses positions, de se remettre en cause à tout moment… L’émotion va donner la possibilité d’impacter la performance individuelle et collective. Le Manager va prendre en compte la dimension émotionnelle de chacun et de son équipe. En accompagnant son équipe dans le changement et parfois la réorganisation. Pour cela le manager doit développer son authenticité et la justesse auprès des équipes.
Les nouveaux modèles managériaux sont de plus en plus transverses. Le Manager doit être humain, empathique et à l’écoute de ses équipes. Les émotions ont des conséquences intra et inter-personnelles. Mais ne rêvons pas les organisations ! Les émotions en entreprise sont parfois cachées et négatives. Le Manager va devoir développer des outils de désamorçage, prenant en compte que l’autre n’est pas moi. Ce qui veut dire qu’il réagit avec son système de croyances, de valeurs et d’expériences propres. D’où l’importance de faire fonctionner son Intelligence Emotionnelle et sa partie empathique : comment aurais-je réagi dans sa situation ? Qu’aurais-je dit à sa place ? C’est vrai, cela demande un effort, mais une fois mis en place, cela se fait automatiquement. L’émotion est la base de la relation humaine et sociale. Aussi l’ensemble des décisions managériales prises en entreprises sont forcément teintées d’émotions dans lesquelles le Manager se trouve à l’instant T. Pour exemple, l’Intelligence Emotionnelle est de répondre, à chaud, à un mail qui génère de la contrariété et de le mettre tout de suite dans le dossier brouillon. Le lendemain ouvrir ce mail et comprendre a posteriori que l’envoyer tel que n’était pas la meilleure des solutions !
https://www.forbes.fr/management/comment-utiliser-son-intelligence-emotionnelle-en-entreprise/