Amazon Go, le magasin sans caisse de demain
Amazon a donné naissance au e-commerce dans les années 1990 et 2000 en poussant la qualité de service à des niveaux insoupçonnés. Pourrait-il en faire de même pour le retail ? Son nouveau concept de magasin de proximité, Amazon Go, annonce une nouvelle révolution : pouvoir acheter ses produits et sortir du magasin sans avoir à passer à la caisse.
Les rumeurs disaient vraies. Après avoir ouvert des librairies physiques, Amazon s'attaque au retail avec l'inauguration d'un premier magasin de proximité à Seattle. Mais, Amazon oblige, il ne s'agit pas d'une boutique comme les autres. Baptisée Amazon Go, elle révolutionne le concept de grande distribution en faisant fi des caisses. Le consommateur se contente de choisir les produits qu'il veut et de sortir "sans payer".
Evidemment, il y a une astuce. Lorsqu'il rentre dans le magasin, le client s'identifie en passant son téléphone (sur lequel est installée l'application Amazon Go) sur une borne, comme un voyageur passerait son e-ticket à l'aéroport. Le tour de force, c'est qu'Amazon utilise un mix de vision par ordinateur, d'aggrégation de données envoyées par plusieurs capteurs, et de deep learning pour détecter avec précision qui achète quoi. L'expérience est naturelle (si on repose un produit, il est déduit de la liste de course) et tire pleinement parti du smartphone. Lorsque le client sort du magasin, il reçoit sa facture directement sur son téléphone.
Face au développement de l'e-commerce, les points de vente physiques n'ont pas dit leur dernier mot. Ils deviennent même des lieux privilégiés pour procurer aux clients des expériences augmentées, comme l'explique Dimitris Gibault, Consumer Industry Architect chez IBM France.
Pourquoi les retailers cherchent-ils à enrichir les expériences client en magasin ?
Dimitris Gibault – Le magasin devient le nouveau terrain de bataille des distributeurs. Face à des clients qui ont digitalisé leur parcours d'achat, et aux pure players qui développent de leur côté une présence physique, les distributeurs doivent se transformer pour justifier leur proposition de valeur et trouver des points de convergence entre le magasin et les canaux digitaux. Le « replatforming » était d'ailleurs un des grands sujets du salon NRF du retail, qui s'est tenu en janvier à New York. On parle beaucoup de bipolarisation du retail, entre les achats plaisir et les achats répétitifs. Pour ce qui relève des achats récurrents, la bataille sur la commodité va sans doute se dérouler de plus en plus en amont du magasin, notamment grâce à des systèmes d'abonnement comme on le voit déjà chez Amazon. Les enseignes françaises l'ont bien compris et préparent la contre-offensive. Dans ce contexte, « Store is the new black » ! Moins centré sur la transaction ou le stockage, le magasin devient un endroit social pour essayer les produits et vivre des expériences. Il reprend toute sa place pour les achats plaisir et pour des expériences que l'e-commerce ne peut pas procurer.
Quelles nouvelles expériences doit donc proposer ce nouveau magasin ?
D. G. – Le magasin doit désormais être « hyperlocalisé », avec un assortiment de produits et de services qui correspond le plus finement possible à la clientèle et à sa localisation. Pour y parvenir, les données internes d'un retailer ne suffisent plus et il faut les croiser avec des données externes sur la structure de la population, les flux de clientèle, la météo, le calendrier des événements de la ville... Les enseignes doivent aussi individualiser l'offre en fonction du moment ou du contexte. Une même personne n'aura pas les mêmes besoins ni les mêmes envies selon qu'elle est dans un contexte business ou en vacances. Dans les magasins, le « phygital » est de plus en plus présent. C'est déjà spectaculaire dans le domaine de la beauté et de l'habillement, avec les cabines d'essayage augmentées, les miroirs connectés, le visual search... Les expérimentations autour des vendeurs augmentés, qui combinent les capacités cognitives et analytiques, se multiplient. Équipé de tablettes avec des moteurs de recommandation, le conseiller de vente sait ce dont le consommateur a besoin et ce qu'il aime. Il devient d'autant plus efficace qu'il a accès au stock, à l'historique des transactions du client, à des éléments pour comprendre la composition du foyer... L'expérience augmentée passe aussi par les robots ou la robotique, grâce à des assistants de services adaptés au monde du retail et avec lesquels il sera de plus en plus facile d'interagir avec la voix. La réduction des irritants sur la partie encaissement va fluidifier les parcours. Il existe déjà des solutions basées sur le RFID ou sur la vidéolocalisation. Les mécanismes de facturation vont aussi évoluer. On peut envisager des facturations au mois ou des formules d'abonnement.
Sur quels types de développements IBM travaille-t-il avec les retailers ?
D. G. – Sur la partie gestion de l'offre, nous adaptons au retail des solutions qui avaient été historiquement développées avec des acteurs de la grande consommation. Il s'agit de créer des modèles ville par ville, quartier par quartier, en injectant des données d'historique de ventes pour prévoir l'offre et la quantité les plus adaptées à chaque point de vente. Sur le volet magasin connecté, nous combinons notre outil Watson IoT avec les solutions d'un écosystème de partenaires sur le soin connecté, le géomarketing... Nous travaillons avec un distributeur alimentaire en vue d'un déploiement à grande échelle de ce type de solutions. Au Royaume-Uni, IBM a développé pour Boots, le leader européen de la distribution de produits santé et cosmétiques, des tablettes pour les vendeurs des rayons beauté et parapharmacie afin de procurer la même expertise dans tous les magasins de l'enseigne, quelle que soit leur taille ou leur localisation. L'application codéveloppée avec Apple et avec les vendeurs permet d'accéder à l'historique des ventes, de proposer de meilleures offres et de prodiguer des conseils. Toutes ces expériences nécessitent une ouverture des systèmes d'informations et un travail de nettoyage de la donnée qui est souvent sous-estimé.
http://lesclesdedemain.lemonde.fr/dossiers/un-retail-encore-plus-experientiel_f-211.html#pdvIbm