La notion de sérendipité consacre l’incertitude comme le facteur déterminant de l’action humaine, tout en reconnaissant la capacité de l’intelligence humaine à l’exploiter au mieux. Signe des temps, le mot « sérendipité », importé par les experts en innovation, est de plus en plus prononcé dans l’entreprise.
Comme illustration de cette notion dans l’industrie, on cite volontiers le post-it (découvert en cherchant autre chose), la pénicilline (découvert par erreur), ou encore le micro-onde (découvert en ne cherchant rien). Avec Internet, ce mot vient rendre compte de nos comportements : trouver miraculeusement son bonheur en errant sur la toile et en se perdant dans la profusion et la profondeur des hyperliens qui s’offrent à nous. Et si le « vagabondage » pouvait être créateur ? Si la sérendipité il y a peu de temps encore apparaissait en contradiction frontale avec la notion de performance, elle peut en constituer aujourd’hui une des conditions.
Découvertes inattendues
Le mot est tiré d’un conte persan paru au XVIe siècle Les Trois Princes de Serendip[1]. L’intelligence de ces trois princes, conjuguée au hasard, les conduit à toujours trouver une issue heureuse à leurs aventures. Ils obtiennent ainsi des récompenses pour leurs découvertes qu’ils n’avaient pas recherchées. Forgé par l’homme politique et écrivain anglais Horace Warpole au XVIIIe siècle, le mot « serendipity » vient désigner des découvertes inattendues « dans la poursuite de quelque chose d’autre ». L’exemple le plus célèbre de sérendipité dans l’Histoire, c’est sans doute Christophe Colomb découvrant l’Amérique. Le projet initial, c’est rejoindre Cipango[2] par l’Ouest pour ouvrir nouvelle route vers les Indes permettant de s’affranchir des intermédiaires orientaux. Projet fou, car il est fort probable que si le continent américain n’avait pas existé, l’expédition se serait conclue dramatiquement. Les savants de l’époque s’en étaient d’ailleurs inquiétés.
C’est bien la persévérance dans l’erreur de Colomb qui sauva son entreprise. Colomb ignora d’ailleurs l’ampleur de sa découverte, croyant simplement avoir rejoint des îles encore inconnues de l’Est asiatique[3].
Substitution d’un processus ou d’un mécanisme par un autre
En revanche n’est pas sérendipitaire la démarche qui consiste à atteindre l’objectif qu’on s’était fixé par d’autres moyens que ceux initialement prévus. Ainsi, si l’Amérique avait été un continent déjà identifié que Colomb ambitionnait de rejoindre pour la première fois par l’Ouest, alors l’exploit n’aurait pas eu le caractère fortuit induit par la notion même de sérendipité. Il aurait pu être cependant qualifié de vicariant. Avec la notion de vicariance, ce n’est plus la fin qui s’avère ici insoupçonnée et inespérée, mais le moyen pour y parvenir. Comme le vicaire[4] qui remplace le curé, la vicariance est la possibilité de remplacer un processus par un autre, selon la définition qu’en donne son inventeur, le neurophysiologiste Alain Berthoz. Cette capacité créatrice est celle du vivant dans son ensemble : humains, animaux, plantes… Sur le plan neuronal, les processus vicariants sont ceux par lesquels une fonction entravée ou déficiente est suppléée par une autre pour atteindre le même but. Alain Berthoz prend l’exemple du repérage dans l’obscurité. La vue se trouve remplacée par le toucher, l’odeur et l’ouïe, rendant le repérage possible. La vicariance concerne par extension « l’idée de substitution d’un mécanisme, ou d’un processus à un autre pour aboutir au même but »[5].
S’orienter dans un monde contingent
L’écueil serait alors de céder au fatalisme, de s’en remettre au seul destin dans la conduite des affaires. C’est oublié que Christophe Colomb a préparé son voyage pendant huit ans et tous les historiens s’accordent à dire que le Génois était un navigateur d’exception. Certains d’entre eux ont même tenté de démontrer que le succès de son entreprise reposait sur l’emploi de techniques nouvelles en matière de navigation (usage de la caravelle, de la boussole ou encore du gouvernail d’étambot). La chance sourit aux audacieux, dit l’adage. Mais aussi aux « esprits bien préparés », soulignait Louis Pasteur, c’est-à-dire aux talentueux et aux innovateurs. La sérendipité aboutit quand les protagonistes font montre de ces qualités et exercent leur sagacité, cette capacité fine à relier de manière pertinente des faits a priori sans rapports entre eux pour en tirer des conclusions justes. La sagacité se caractérise ainsi comme une faculté qui permet de s’orienter dans un monde contingent. Dans les Derniers Analytiques, Aristote définit d’ailleurs la sagacité (phronèsis[6]) comme « la découverte exacte du terme moyen dans un temps très rapide ». Et de donner un exemple : « c’est, en voyant que la Lune a toujours sa partie brillante tournée vers le Soleil, de comprendre sur-le-champ que la cause de ce phénomène, c’est que la Lune tire sa lumière du Soleil ».
Logique effectuale
Cette intelligence pratique s’avère essentielle pour un dirigeant d’entreprise dont le principal défi aujourd’hui est d’affronter l’incertitude et surtout de l’exploiter au mieux. Généralement concentrés sur la recherche continue de performance, l’atteinte des objectifs, le respect de la stratégie, les dirigeants d’entreprises sont confrontés à un environnement caractérisé par la complexité et son corollaire irréductible, l’incertitude. Dans ce brouillard, le décideur doit inventer le futur pour garantir la pérennité de l’entreprise, mais éprouve la difficulté de traduire cette préoccupation en projet pour l’entreprise. La notion de sérendipité permet de se rassurer en rappelant que la réussite ne dépend pas uniquement du but fixé, mais se construit chemin faisant, au gré des aléas… à partir des ressources (matérielles ou/et intellectuelles) dont on dispose. En cela, on peut rapprocher sérendipité et effectuation[7]. La logique dite effectuale correspond à une rationalité inverse au mode causal ou prédictif en recherchant les effets possibles à partir de moyens donnés ; elle repose sur l’existant, c’est-à-dire les compétences-clés de l’entreprise, pour inventer sa route en tirant avantage des surprises.
https://www.forbes.fr/management/la-serendipite-un-concept-cle-pour-penser-autrement-la-strategie/
La sérendipité ou le voyage d'une tomate :
Sérendipité : cultiver les heureux hasards pour enchanter sa vie
« La chance est la faculté de saisir les bonnes occasions » s’amusait à répéter le général Douglas MacArthur lorsqu’on l’interrogeait sur ses différentes victoires militaires, parfois acquises de justesse. S’il est peu probable que l’austère officier ait été adepte de spiritualité zen ou taoïste, dans lesquelles il ne tient qu’à nous de faire éclore les opportunités offertes par l’univers, cette posture laisse penser qu’il serait possible de « saisir » la chance parmi le hasard des évènements.
Qu’est-ce que la sérendipité, ou l’heureux hasard ?
A DÉCOUVRIR
La sérendipité ne se limite pas au domaine scientifique, la découverte des Etats-Unis par Cristophe Colomb en est un exemple majeur : le navigateur était en effet en route pour l’Inde lorsque qu’une erreur de trajectoire l’amena à découvrir l’Amérique !
Rencontrer l’heureux hasard est le principe de la sérendipité. Ce terme, apparaît la première fois en 1754, dans une lettre de l’écrivain anglais Horace Walpole comme l’explique Sylvie Catellin, maître de conférence en sciences de l’information et de la communication dans son ouvrage Sérendipité, du conte au concept (Seuil) « Walpole utilise ce terme pour désigner l’art de la découverte qu’il cultive lui-même. Il illustre son propos en utilisant un ancien conte persan Les trois princes de Sérendip, dans lequel trois frères parviennent à décrire un chameau sans jamais l’avoir vu par simple esprit de déduction. » La sérendipité est alors la faculté de découvrir par hasard, mais grâce à une bonne disposition d’esprit, des choses qu’on ne cherchait pas nécessairement. « Cette définition originelle, porte une certaine ambiguïté que l’on retrouve aujourd’hui lorsque l’on parle de la sérendipité qui est tantôt « le don de faire des trouvailles », tantôt « la chance de trouver par hasard ce que l’on ne cherche pas » ou encore « l’art de trouver sans chercher ». »Si le principe des découvertes chanceuses peut laisser un peu perplexe les plus cartésiens d’entrenous, le concept est loin d’être farfelu puisque de nombreuses découvertes scientifiques ont été faites « par hasard » : la pénicilline, le four à micro-ondes ou encore le Velcro. Mais que peut nous apporter la sérendipité dans notre vie de tous les jours ?
Les bienfaits d’une vie sérendipienne
En amour comme dans le travail, pour surmonter des épreuves ou se créer des opportunités, la sérendipité peut nous apporter de nombreux bienfaits. Le psychothérapeute David Richo, auteur de Le pouvoir des coïncidences (Payot) explique « Selon moi, chaque relation amoureuse cache de la sérendipité, ou ce que j’appelle synchronicité. Nous avons une tendance innée à rencontrer des gens qui nous enseignent ce que nous avons besoin de savoir sur la vie, sur l’amour et sur nous-mêmes. Même lorsque les relations se finissent mal, nous apprenons toujours quelque chose à notre propos que nous n’aurions pas imaginé, que nous ne cherchions pas. »
http://www.psychologies.com/Moi/Se-connaitre/Comportement/Articles-et-Dossiers/Serendipite-cultiver-les-heureux-hasards-pour-enchanter-sa-vie